Regulus Black

Les cris retentissent encore dans la maison. Sirius a du faire une nouvelle bêtise pour que notre mère s’énerve autant. Elle ne s’énerve que contre lui, toujours contre lui, parce qu’il ne se tient pas en place, et qu’il n’obéit pas. Je suis tout son contraire… Je suis un garçon sage, et je fais toujours ce qu’on me dit de faire. Et lui qui n’obéit pas, reçoit toujours plus d’attention que moi. Je ne suis pas jaloux, après tout, c’est mon frère, et je l’aime beaucoup, mais parfois, j’aimerais que mère se préoccupe autant de moi qu’elle peut le faire avec lui. Je sais que je suis le fils qu’ils ont toujours rêvés d’avoir, et pourtant, j’ai l’impression de ne plus rien être à côté de la grandeur de Sirius. Comme d’habitude, je me réfugie dans ma chambre, si impersonnelle qu’on a l’impression que personne n’y vit. Pourtant, les couleurs de Serpentard semblent rayonner dans cette pièce grande et parfaite, je les affirme avec ferveur. Je suis heureux d’avoir été admis dans cette noble maison, mais des fois, je me demande si je n’aurais pas été plus heureux avec Sirius. Après tout, cette perpétuelle guerre entre nous me fatigue, et pire que tout, elle m’attriste. Sans y prendre garde, je m’allonge sur mon lit, tout en poussant un léger soupir. A peine ais-je fermé les yeux, qu’une image du passé vient s’imposer à moi, comme un baume réconfortant, mais tout autant comme un poignard acéré :

« Le premier arrivé à l’arbre a gagné… » « Ehh tu triches Siry, t’es parti avant. » « C’est même pas vrai… » Un balai qui passe, puis un second juste après. Les deux enfants Black sont en pleine course et à vrai dire, ils sont plutôt habiles. Le second passe devant le premier, et vice versa, jusqu’à l’arrivée, où ils sont presque en même temps. Des éclats de rires viennent ponctuer cette petite course, qui s’est parfaitement dérouler. « Eh, tu veux que je te lance des balles pour t’entraîner ? » « Bah, ça sert à rien de toute façon, j’suis pas si bon que ça. » « Mais si Reg, t’es le meilleur pour rattraper les balles… » Ce disant, il sortit un petit sac de sa poche, et lança une balle en l’air. Éclatant d’un rire bref, le petit garçon de 9 ans commence à faire une descente en piqué et attrape finalement la balle in extrémis… Ce petit jeu continua pendant encore quelques minutes, pendant lesquels les deux garçons furent franchement heureux d’être ensemble…

Les choses avaient changé depuis ce moment béni. Nous étions encore jeunes à l’époque et loin des préoccupations familiales. J’avais bien sûr déjà adhéré aux idées de mes parents. Loin de moi l’envie et la capacité de m’opposer à eux, je considérais donc déjà les moldus, les sangs impurs comme des tares dont il convenait de se débarrasser. Après tout, leurs pouvoirs ne sont qu’une pâle imitation de ceux que je peux avoir… Je me souviens comme si c’était hier, la première fois que j’ai fait preuve d’un peu de magie. Je me souviens du regard émerveillé de ma mère, et celui, très fier, de mon père. A croire qu’il n’attendait que ça dans leurs vies, et que je venais de les combler. J’avais 8 ans à l’époque, un peu en retard par rapport à la moyenne, mais comme dirait ma mère, je ne suis pas la moyenne, je suis bien plus… Laissant mes pensées là où elles sont, je me dirige vers ma fenêtre. Elle donne sur le côté moldu, mais personne n’est en vue. Déposant mon front brûlant contre la froide vitre, je me rends compte pour la première fois à quel point j’ai chaud. Je me débarrasse prestement de mon pull, avant de m’assoir sur la chaise que j’ai mise devant la fenêtre. J’aime beaucoup regarder dehors, et observer les gens ou la nature… La nature, c’était dehors la première fois que j’avais utilisé mes pouvoirs…

« Siriuuuuuuuus, Sirius, rend moi ma peluuuuche! » « T’es encore un bébé avec ta peluche, nananananèreuh ! » « C’est pas vrai ! » Le petit garçon, décida de cesser de lutter contre ce petit impertinent de frère, qui ne trouvait rien de plus amusant que de lui piquer son doudou. Il s’assit contre un mur, et commença à pleurer tout doucement. Il profitait du fait que sa mère n’était pas dans les parages, parce qu’il n’aimait pas montrer de faiblesses devant elle. Il avait tellement peur d’un jour la décevoir. Sirius en profita pour revenir l’embêter, lui brandissant sa peluche juste sous les yeux. Regulus, mû d’une nouvelle énergie, se releva, et les larmes coulant encore de ses yeux, il se mit à courir après son frère pour l’attraper, et donc récupérer son ours. Leur folle course les fit arriver dans leur jardin, là Sirius se retourna vers son frère, en une ultime provocation. Celui-ci, dans une tristesse profonde, et une colère noir, sentit un étrange courant le parcourir. Comme un frisson, mais il n’avait pourtant pas froid du tout. Il mit quelques secondes avant de se rendre compte que ses poings s’étaient serrés, et que ses dents grinçaient étrangement. Le rire chez Sirius s’interrompit vite, et il fût soudain effrayé devant son frère. A juste titre d’ailleurs, puisque celui-ci lancer un seau plein d’eau sur son jeune frère. Pour calmer ses ardeurs qu’il dirait, même si ça n’avait rien à voir. Il savait simplement que ça serait amusant. A cette idée, sa colère retomba un peu, mais pas suffisamment pour apaiser le tremblement… Quelques secondes après, Sirius était trempé, sous le rire de son frère, et sous le regard étrange de sa mère, qui était sortie pour voir ce qu’il se passait. Regulus s’attendait à se faire réprimander, mais ce ne fût pas le cas, bien au contraire d’ailleurs.

Le front posé sur la vitre, les mains dans la nuque, et les jambes croisées, j’avais fermé les yeux, pour mieux m’imprégner de ce souvenir. Encore une fraternité qui n’était plus aujourd’hui. Je dois avouer que ça m’a toujours déprimé, de voir mon frère s’éloigner de moi ainsi. Je sais que c’est de ma faute, après tout, je suis devenu tout ce qu’il déteste. Est-ce ma faute si j’ai toujours refusé de décevoir mes parents, au contraire de lui ? Est-ce ma faute si j’ai embrassé avec conviction des idées qui me sont inculquées depuis ma naissance ? Est-ce ma faute si je n’ai pas sa force de caractère ? Est-ce ma faute si j’ai l’impression d’être enfin quelqu’un dans ma bande de Serpentard ? La colère me fait serrer les poings sur ma nuque, et j’ai l’impression que je vais exploser. Le mieux dans ces conditions, est de m’allonger, et de ne plus penser à rien. Mais je n’y arrive pas, c’est étrange, on dirait que cette fois, ça va me bouffer. Sans y tenir, je tape d’un coup sec dans la vitre devant moi. Les bris de glace me pénètrent la chair, et je pousse un petit cri de douleur malgré moi. Pourtant, cette douleur dans ma main me fait oublier celle qui meurtri mon esprit, et je ferme les yeux, comme apaisé. Un léger sourire plane sur mes lèvres, quand j’entends le bruit familier du transplanage. « Maître, tout va bien ? » Je ne réponds rien, me contentant de baisser les yeux vers la petite créature qui servait ma famille depuis des années. Ca fait longtemps que je me suis accroché à cet elfe. Personne ne le considère ici, mais moi je le fais…

« Kreattur ? On dirait que mon verre est tombé, ramasse-le… » Regulus lance un regard noir à son frère. Il n’aime pas quand il le traite comme un moins que rien. D’accord, ce n’est qu’un elfe de maison, et il est fait pour ça, mais Reg ne peut s’empêcher d’éprouver un minimum de compréhension et de respect pour lui. Depuis qu’il est enfant, il se plaît à croire qu’il le considère presque comme un humain. « Sirius, tu profites de ton autorité c’est mauvais… » « Oh bien sûr, c’est le fils prodigue qui déteste les moldus qui va me dire ce qui est mauvais… » Dans un mouvement de colère, Regulus quitte la table de la cuisine autour de laquelle ils étaient rassemblés. Avisant l’elfe en train de ramasser la bêtise volontaire de son frère, il lui lance : « Kreattur, ma chambre a besoin d’être nettoyée, j’aimerais que tu laisses ça et que tu me suives… » L’elfe respectait toujours les derniers ordres donnés, aussi suivit il son maître, sous le regard noir de Sirius.

C’est lorsque la voix criarde de mon elfe retentit avec force, que je me rends compte que je n’étais plus réellement là. Encore embarqué par mes souvenirs, je n’avais plus le même contact avec la réalité. C’est là que je demande à l’elfe de partir, avec douceur comme d’habitude. Je n’ai pas besoin de lui pour me sentir mieux, au contraire, il fait remonter des souvenirs qui me font encore plus mal. Je tends l’oreille, et me rends compte que plus aucun cri ne monte jusqu’à moi. Il a du sortir faire un tour, tandis que ma mère doit ruminer dans son coin contre lui. Ca se termine toujours de cette façon. Je soupire une nouvelle fois, avant de sortir ma baguette. Il faut que je me soigne avant que ça ne puisse empirer. Un rapide sort, et la plaie est désinfectée. Ca suffira bien ! Un nouveau sort s’échappe de ma bouche, tandis que la fenêtre semble se réparer d’elle-même. Un léger sourire envahit de nouveau mon visage devant la magie que je déploie. Voilà pourquoi les moldus sont des incapables, et qu’ils ne méritent pas de partager le même sol que nous. La magie ouvre tellement de portes…Un regain d’énergie et de bonne humeur prennent mon corps et mon esprit, et je décide de sortir enfin de mon antre. Seulement devant la porte, je m’immobilise. Des pas lourds retentissent dans l’escalier, dans un boucan que même Merlin n’aurait jamais fait. Il essayait encore de se faire remarquer. C’était un gamin immature, mais en même temps, je n’étais pas vraiment mieux, je n’ai jamais été mieux que lui. Sauf peut être au Quidditch. J’ai toujours adoré y jouer, et entrer dans l’équipe de ma maison n’a pas été vraiment dur. Attendant que Sirius ne termine de monter les escaliers, je me laisse glisser le long de ma porte, et m’assoit finalement. Je me passe une main sur le front, tandis que les clameurs d’un stade se font entendre…

Il était là, debout, attendant de sortir des vestiaires. Les bruits du stade l’assourdissaient, et il savait que ça serait vraiment pire une fois à l’extérieur. Regulus à 12 ans, et il a eut l’autorisation pour sa deuxième année d’entrer dans l’équipe de Quidditch. Bien sûr, il a été aussitôt accepté en temps qu’Attrapeur, mais maintenant que venait le moment d’affronter une vraie équipe, et de montrer à tous ses capacités, il avait un moment de doutes. Il se posait mille questions, et personne n’était là pour y répondre. Il ne s’entendait pas vraiment bien avec les membres de son équipe, et ce n’était que de petits prétentieux à la langue trop pendue. Il essaya de vider sa tête, mais n’y arriva pas immédiatement. Ce ne fût que lorsqu’il s’éleva dans les airs, que tous ses soucis, et toutes ses questions ne s’envolèrent avec lui. Il éclata même de rire lorsqu’il descendit en chandelle sans raison apparente. Le match qu’il craignait tant avait finalement été une réussite, et surtout très agréable pour lui. Il le savait désormais, voler faisait parti de lui, comme une extension. Dur de s’en passer dans ces cas là…

Un sourire flotte sur mes lèvres tandis que je reviens progressivement de mon voyage dans le passé. Il y a comme une brume qui m’a envahit à ce souvenir, une brume qui me fait rêver. Cette époque était bénie, je ne me disputais pas encore avec mon frère, ma famille n’étaient pas aussi déchirée, et surtout, j’étais heureux. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Je suis miné par ces conflits incessants, et le pire dans tout ça, c’est que ça me rend mauvais. J’essaye de me protéger, j’essaye de ne pas prêter attention à ce que les autres peuvent penser de moi, mais je n’y arrive pas. Je suis finalement devenu aussi insipide que tous ceux qui ornent ma maison, et quand je suis à Poudlard, ça me convient d’être détestable, haineux, raciste envers les sang de bourbes, et pleins d’autres défauts qui ne me caractérisent pas en temps normal. Ce qui ne m’enchante pas, c’est que mes parents, ça leur plaît tout ça. Ils aiment me voir aussi abject que les autres. Ca ne les renforce que dans une chose. Que je suis bien le fils prodigue qu’ils ont toujours attendu. Ca ne me donne pas envie de les décevoir, mais quand je vois les regards effrayés de certains. Il y a surtout une fille comme ça à Poudlard. Depuis le fameux sort (une belle connerie d’ailleurs celui là), j’essaye de l’approcher, de lui parler simplement. Mais elle me fuit aussi sûrement qu’elle fuirait la peste. Je trouve ça étrange, et ça me donne encore plus envie d’aller la trouver… Vivement la rentrée que je puisse enfin lui prouver que je ne suis pas si effrayant que ça…